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EST-CE BON D’ÊTRE LE PREMIER SUR UN MARCHÉ ?

Quand j'étais au MBA, dans un des cours de marketing, le professeur avait dit : si vous avez le choix, il est mieux d'être 3e sur le marché que d'être premier. Sa phrase exprimée en anglais était: " Let us be the first to be the third ".

Cette affirmation était un peu à l'encontre de ce que je lisais ou j'entendais. Être le premier nous donnait une longueur d'avance en nous permettant d'avoir une bonne part de marché et en offrant la possibilité de bâtir une marque forte et reconnue. Il y a même une expression bien connue en anglais qui parle des " first movers " (voir la définition en anglais ici). Tout cela est vrai. Mais dans la pratique, il y a des nuances importantes.

La logique du professeur/cours en question était comme suit :

  • Le premier développe l'intérêt pour le produit/service. Particulièrement vrai lorsque le produit/service est innovant, ce qui est généralement le cas pour le premier sur un marché. À moins que vous ouvriez un nouveau marché pour un produit qui a été développé, mais qui demeure nouveau sur le marché en question;
  • Le second développe le processus/l'application; il aura vu ce qui aura été fait pour le premier effort et pourra améliorer la performance ou réduire les coûts.
  • Le troisième arrive à point pour bénéficier du développement des deux autres sphères et peut offrir un produit/service supérieur à une clientèle " conscientisée ".

    • C'est un peu la réalité des voitures Tesla. Si nous nous basons sur l'article "Was Tesla The First Electric Car?", les voitures Tesla ne sont pas les premières voitures électriques à être commercialisées. Bien entendu, il y a énormément d'éléments innovateurs dans les voitures Tesla et pour certains de ceux-ci, ils sont les premiers, mais pas pour l'utilisation de la batterie comme source d'énergie. Dans les années 1990, des voitures de la marque GM utilisaient la batterie et étaient très performantes. Mais le projet a été abandonné à cause d'intérêts politiques protégeant l'utilisation du pétrole.

    Puis, il y a eu des véhicules hybrides qui utilisaient une combinaison d'essence et d'électricité. Peut-être l'option la plus " réussie " de cette catégorie serait le Prius, qui a vu ses débuts en 1997 au Japon et depuis 2000 aux États-Unis. Mais est-ce qu'une voiture hybride est vraiment un précurseur aux voitures Tesla? Je laisse le soin aux experts en voitures de répondre à ceci, mais si l'on regarde la batterie, son développement a certainement été favorisé par cette évolution. Il y a surement d'autres options qui pourraient être mises ici, mais l'idée n'est pas de faire un survol précis de l'évolution de la voiture électrique, mais plutôt de souligner le fait que les voitures Tesla sont arrivées avec une bonne quantité d'information déjà de disponible par suite des efforts passés. Donc l'entreprise a certainement été en mesure d'améliorer grandement ce qui existait, mais elle a également été en mesure d'éviter certains pièges et erreurs passées.

    C'est un peu ce que mon professeur disait; être le premier sur le marché comporte une série de risques qui peuvent être difficiles à surmonter. Qui aurait pu anticiper qu'un mouvement politique se serait opposé aux voitures électriques de GM? Être le premier sur le marché veut souvent dire qu'il faut affronter des situations qui peuvent être difficiles à anticiper.

    Donc, si voulez être premier sur le marché, il est préférable d'avoir de bonnes ressources financières. Parce qu'en plus de payer pour le développement de quelque chose d'unique, nous devons souvent expliquer les avantages et travailler sur un processus de production qui est parfois unique pour s'adapter à l'innovation.

    Mais pas toutes les " first movers " sont de grandes entreprises. J'ai fait moi-même l'expérience de cette réalité. En 2004, j'ai eu l'idée d'une application web qui permettait aux professionnels/PME de mettre en ligne un agenda pour que leurs clients prennent un rendez-vous directement sur leur site Internet d'une façon sécuritaire (aucun ne voyait le nom des autres rendez-vous). Aujourd'hui bien des options sont disponibles, mais en 2004, j'étais le premier; j'étais le " first mover ".

    Pendant des années, j'ai tenté de commercialiser cette nouvelle façon de faire auprès des gens qui utilisaient encore des agendas papier et qui souvent n'avaient pas encore de site Internet. J'ai donc pu voir la réalité de l'énoncé de mon professeur : le premier développe l'intérêt.

    Et avec les années, des options de plus en plus avancées, élégantes, avec des fonctionnalités plus adaptées, ont vu le jour. Des modèles d'affaires différents ont aussi été proposés (utilisation gratuite, inclusion dans une communauté, facturation aux rendez-vous, etc.), bref, le processus et l'application se sont développés. Alors que moi, malheureusement, n'ayant pas été en mesure de rentabiliser l'investissement initial, j'ai dû abandonner les projets de commercialisation et de mise à niveau.

    Alors si vous avez une innovation à introduire sur le marché, pensez bien aux avantages et aux inconvénients d'être premier. Et si vous voulez être premier, considérez un autre point important : ne mettez pas tout votre argent dans le développement de votre application. Gardez un bon montant pour votre marketing. Sans quoi, vous risquez d'avoir une excellente proposition que personne ne connaitra.

    Si vous avez des questions, des commentaires ou si vous voulez partager votre expérience, n'hésitez pas à me contacter.

    Stéphane Elmaleh-Riel, B.Ed, MBA
    Consultant marketing